top of page

ARTICLES

Association Franco-Brésilienne par le Peuple

Agro1.jpg

Au Brésil, les activistes écolos dans le viseur de Bolsonaro  

Au Brésil, les activistes écolos dans le viseur de Bolsonaro  

Source: Mediapart, 2 décembre 2018. Par Jean-Mathieu ALBERTINI

Il veut classer le Mouvement des sans-terre parmi les groupes terroristes et soutenir les grands projets d’infrastructures portés par l’agrobusiness ou le secteur minier. Le « carbo-fasciste » Jair Bolsonaro, qui sera investi président le 1erjanvier, inquiète les activistes au Brésil : « Un massacre se prépare » pour l’environnement, met en garde l’un d’eux, alors que la COP24 s’ouvre lundi en Pologne.

Rio de Janeiro (Brésil), de notre correspondant.- Les aboiements des chiens réveillent la petite maison en pleine nuit. Depuis quelques jours, toute l’aldeia (le village) est sur ses gardes, attentive à la moindre alerte. Dans le territoire indigène (TI) Morro do Carvalho, situé dans l’État de Santa Catarina, dans le sud du Brésil, les veilles de jour férié sont des moments de tension. « La FUNAI [l’organisme de protection des indigènes – ndlr] ferme, les effectifs de police sont réduits », explique la cacique Eunice Kerexu.

En 2015, à la même époque, des intrus ont envahi leur territoire pour les menacer. L’an passé, sa mère a été attaquée chez elle à coups de machette par des hommes qui l’ont laissée pour morte. Elle s’en est sortie mais a perdu une main. Depuis, les Guaranis vivent sous tension permanente. La voix fatiguée d’Eunice Kerexu raconte un quotidien sans sommeil, rythmé par les rondes de vigies : « Ici, il n’y a pas que l’agrobusiness qui nous menace. Le territoire est situé en bord de mer et attise les convoitises des promoteurs immobiliers. »

Le processus de délimitation des terres indiennes a débuté en 2008. Après dix ans de batailles judiciaires favorables aux indigènes, les recours sont épuisés pour leurs adversaires. « Mais depuis, la violence et les intimidations empirent », assure-t-elle. Et l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro lui fait craindre le pire. « Son discours encourage ce type d’attitude. On sent déjà cette influence. Certaines personnes, qui nous aidaient au sein des institutions, craignent maintenant des représailles. »

Ce climat de tension n’est pas une exception. Quelques jours plus tôt, dans le Paraná, un jeune Guarani a été blessé par balles en sortant de la FUNAI. Il a survécu mais ne sent plus ses jambes. Le même jour, un leader pataxó, une autre population indigène, a été assassiné dans l’État de Bahia. Selon le Conseil indigène missionnaire, ils sont 110 indigènes à avoir été tués en 2017. « Bolsonaro n’a pas inventé la violence contre les indigènes, mais avec lui au pouvoir, elle va fortement augmenter », prévient Felipe Milanez, professeur à l’université fédérale de Bahia (UFBA) et activiste proche des mouvements indigènes.

Les terres indigènes, qui couvrent 14 % du territoire brésilien, représentent une proie tentante pour les trafiquants de bois, les voleurs de terres publiques, le secteur minier ou les membres de l’agrobusiness. Ces terrains sont publics mais destinés à l’usage exclusif des indigènes, qui ne peuvent pas les vendre. Bolsonaro et ses alliés veulent les transformer en marchandises.

Au discours agressif contre les indigènes, qui « n’auront pas un centimètre de terre en plus », s’ajoute désormais un argumentaire trompeur autour du « développement ». « Comme tous les racistes, il parle au nom des indigènes. C’est le même discours que durant la dictature : un projet d’émancipation qui cache un ethnocide », c’est-à-dire la destruction de l’identité culturelle d'un groupe, s’emporte Felipe Milanez.

Dans ce contexte tendu, les compagnies minières lorgnent plusieurs terres indigènes. Le nouveau chef de l'État, qui doit être investi début 2019, devrait faciliter les projets miniers et en finir avec la « criminalisation des chercheurs d’or clandestins ». Les Églises évangéliques participent aussi à ce projet de division. « Ethnocide et conversions forcées, certaines Églises ne reculent devant rien… », regrette Felipe Milanez. Avec l’augmentation de leur influence au sein du prochain gouvernement, leur projet de conquête des « âmes indigènes » pourrait aller de l’avant.

Ces attaques contre les territoires indigènes ont une influence directe sur la préservation de l’environnement. Selon l’ONU, les Terres indigènes sont les territoires les mieux protégés du pays. « Si les promesses de campagne de Bolsonaro se concrétisent, elles peuvent faire perdre plusieurs décennies de conquêtes environnementales », se désole Marcio Astrini, coordinateur des politiques publiques à Greenpeace Brésil, joint par Mediapart.

Les menaces portées par le discours de Bolsonaro, figure de ce que certains ont appelé un « carbo-fascisme », ne sont pas nouvelles : il s’inscrit dans le sillage des tenants d’une dictature qui ont déplacé et tué au moins 8 000 indigènes lors d’une politique de grands travaux menée en Amazonie. La multiplication des projets d’usines hydroélectriques en Amazonie n’est que la continuité d’un projet de plus de 70 barrages jamais mené à bien sous le régime militaire.

« D’autres menaces sont plus récentes, comme la suppression du ministère de l’environnement, ou en tout cas, la diminution drastique de son importance », poursuit Marcio Astrini. La nomination de Tereza Cristina, influente membre du lobby de l’agrobusiness (les ruralistas) à la tête du ministère de l’agriculture, laisse craindre le pire. Fervente défenseure d’une loi qui prévoit de faciliter l’utilisation de pesticides dans un pays qui en est déjà l’un des principaux consommateurs, Tereza Cristina, surnommée« la muse du venin », devrait lancer une nouvelle offensive pour la faire approuver (lire l’enquête de Mediapart sur ce projet de loi).

Avec Jair Bolsonaro au pouvoir, « l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement pourrait être remise en cause », met en garde Marcio Astrini. Ce vieux projet de loi a déjà été retoqué par le Tribunal suprême fédéral. Mais Jair Bolsonaro semble déterminé à le défendre. S’il est adopté, la BR-319, une route de 900 kilomètres qui traverse l’une des zones les plus préservées de la forêt amazonienne, pourrait voir le jour, tout comme l’immense mine de Belo Sun.

Autre signal : Bolsonaro a fait savoir le 29 novembre que le Brésil n’était plus candidat à l’accueil de la COP25, la conférence sur le climat, en novembre 2019.

Les sans-terre, bientôt classés terroristes ?

Les contre-pouvoirs pourront freiner certaines décisions. Malgré son alliance avec les ruralistas, la vague conservatrice n’a pas écrasé l’opposition. Eunice Kerexu, responsable guaranie, souligne par exemple la victoire d’une députée indigène, Joênia Wapichana, une première depuis 1982.

L’efficacité de l’action du PSL, le parti du président élu, composé de nombreux députés très inexpérimentés, est une inconnue. Tout comme la réorganisation de la bancada ruralista après la défaite électorale de certains leaders importants : l’efficacité de ce lobby pourrait être momentanément freinée par des batailles internes. Pas de quoi lui faire perdre son énorme influence, mais peut-être assez pour redonner du souffle à une opposition qui doit, elle aussi, se reconstituer.

Reste que le président élu peut contourner l’Assemblée et, dans certains cas, gouverner par décrets, applicables tant qu’un juge ne rend pas de décision contraire. « Il lui faudra une vaste majorité au Congrès s’il souhaite modifier la Constitution, qui protège notamment les droits des indigènes », continue Marcio Astrini. Difficile, mais pas impossible pour un gouvernement qui veut modifier au maximum ce qu’il appelle « les entraves au développement ».

Au-delà des contre-pouvoirs institutionnels et politiques, de puissants intérêts ont déjà fait reculer Bolsonaro. La fusion du ministère de l’environnement avec celui du ministère de l’agriculture, tout comme la sortie de l’accord de Paris évoquée par le candidat, a inquiété une partie de l’agrobusiness, qui ne veut pas voir se fermer certains marchés étrangers plus regardants sur les conditions de production.

Sur le terrain, Ana Laïs, du mouvement Xingu Vivo, qui a longuement lutté contre le projet Belo Monte, dans le Pará, décrit l’ambiance aux alentours de l’immense barrage. « Avant, le climat était tendu, mais on pouvait compter sur certaines institutions. Maintenant, on n’a plus confiance, on se prépare à lutter sans leur appui. » Car Jair Bolsonaro ne cache pas son mépris pour certains organismes comme l’Ibama, l’Institut de protection de l’environnement, « dont il peut réduire le potentiel sans l’aval du Congrès, simplement en coupant les budgets d’une institution qui manque déjà cruellement d’effectifs », s’inquiète Marcio Astrini.

Les acteurs illégaux, liés de plus ou moins près aux intérêts de grands propriétaires terriens, ont en tout cas compris le message. Selon l’Observatoire du climat, la déforestation illégale a augmenté de 50 % pendant la campagne électorale. Même si Jair Bolsonaro semble s’être résigné à rester dans l’accord de Paris, le ton est donné : l’un des principaux conseillers a déjà comparé l’accord à du « papier toilette ».

En plus de la forêt amazonienne, d’autres milieux naturels sont en grand danger. Le cerrado, une savane locale, a déjà perdu 51 % de sa surface et représente l’un des principaux fronts d’expansion de l’agrobusiness, qui peut y déforester sans faire face à la pression internationale.

« Si les lois ne changent pas, les pistoleiros [les « tueurs » – ndlr] se chargeront des problèmes », analyse Felipe Milanez. L’hommage rendu en juillet aux policiers auteurs du massacre d’El Dorado dos Carajás, où 19 membres du Mouvement des sans-terre (MST), que Bolsonaro veut classer comme groupe terroriste, ont été tués, ne laisse aucun doute sur la position du nouveau gouvernement.

D’autant que le président élu souhaite aussi faciliter l’accès aux armes des propriétaires terriens ou encore « donner carte blanche aux policiers », qui forment souvent des milices privées au service des grands propriétaires… À Greenpeace, on ne cache pas son inquiétude : « On ne sait pas exactement ce que signifie pour le président “en terminer avec toutes les formes d’activisme”, mais le simple fait de le formuler ainsi est extrêmement grave. »

Felipe Milanez ne cache pas son inquiétude : « Les périodes de transition sont toujours très violentes. Ça a été le cas à la fin de la dictature et on risque de se retrouver au même niveau. Un massacre se prépare : son amplitude va dépendre de la réaction de la société. »

Les quilombos, ces communautés noires formées par des descendants d’esclaves en fuite, moins connues que les communautés indigènes, moins structurées et oubliées par la presse internationale, sont aussi menacées. Tous les intervenants joints par Mediapart constatent une mobilisation sans précédent dans les cercles activistes pour se préparer au pire et innover avec de nouvelles stratégies.

« Nous sommes au bord du précipice. Le monde entier va sentir les effets de ce qui va se passer ici. Sous l’ère du Parti des travailleurs [le PT de Lula et Dilma Rousseff – ndlr], la lutte des indigènes et des noirs des quilombos était parfois mal perçue à gauche. Avec un tel ennemi commun, on sera peut-être plus efficace », veut croire Felipe Milanez. Il souligne l’émergence de leaders charismatiques comme Ailton Krenak, pour qui « ça fait 500 ans que l’indigène résiste » : « Je ne me fais pas de souci pour nous, on va continuer. Ce qui m’inquiète, c’est de savoir si l’homme blanc va faire sa part. »

Mediapart, 2 décembre 2018.

Par Jean-Mathieu ALBERTINI

jair bolsonaro.jpg

Bolsonaro cible les LGBT dès les 1ères heures de son mandat

Le mandat du nouveau président brésilien commence (très) fort.

03/01/2019 01:38 CET

Rédaction Le HuffPost avec AFP

ME.jpg

Réforme de l'éducation au Brésil : placer les profs sous surveillanceAssociation Franco-Brésilienne par le Peuple

Le nouveau président d'extrême droite se lance dans sa première croisade : une réforme de l'éducation qui passe par la surveillance des professeurs et l'arrêt de toute forme d'éducation sur le genre.

26 novembre 2018

par Olivier Poujade

bottom of page